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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 183

Le mercredi 28 février 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mercredi 28 février 2024

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Mois de l’histoire des Noirs

L’honorable Paulette Senior : Chers collègues, je suis vraiment très honorée de m’adresser à vous pour la première fois en tant que nouvelle sénatrice. Alors que le Mois de l’histoire des Noirs tire à sa fin, je me tiens devant vous pour joindre ma voix à celles de tous les sénateurs qui ont rendu hommage aux contributions et à l’excellence des Canadiens noirs.

Je remercie les peuples algonquins et anishinabes qui vivent sur ce territoire non cédé et en prennent soin depuis des millénaires afin que je puisse m’adresser à vous aujourd’hui.

Je remercie également le Groupe des sénateurs canadiens, qui m’a gracieusement offert cette occasion de faire une déclaration.

Nous avons tous entendu parler des excellentes contributions des Canadiens noirs, dont certains ont siégé ici même. Aujourd’hui, je souhaite parler de l’importance de ces témoignages de reconnaissance et de ces hommages. Ils sont essentiels pour frapper l’esprit de l’ensemble des Canadiens et leur faire comprendre pourquoi ces hommages sont importants non seulement en février, mais bien tout au long de l’année.

Je prends le temps de rendre hommage à ceux qui m’ont précédée, qui ont été des pionniers, et à ceux qui continuent de prendre position et d’être vus. Je déclare aussi que, tout comme d’autres qui me ressemblent, je suis à ma place dans les plus hautes Chambres de ce pays. Je suis ici aujourd’hui grâce à toutes ces personnes et, par conséquent, j’ai moi aussi des devoirs envers ceux qui viendront, qui prendront position et qui seront vus.

Chers collègues, je profite de l’occasion, d’autant plus que nous sommes à la veille de la Journée internationale des femmes, pour parler de deux femmes que j’ai vues prendre position.

La légendaire et honorable Jean Augustine est l’une de ces femmes. Je la remercie tout particulièrement d’avoir travaillé d’arrache-pied et préparé le terrain en vue d’institutionnaliser ce mois de célébration il y a environ trois décennies. Grâce à son intelligence et à son courage, Jean, comme je l’appelle affectueusement, a donné l’exemple à beaucoup de gens, ce qui les a incités à relever le défi dans les espaces qu’ils occupent et à insister sur la reconnaissance des contributions et sur la visibilité des Canadiens noirs. Grâce à son héritage, les institutions dans tous les secteurs se mobilisent chaque année pour honorer les contributions des Canadiens noirs accomplis.

La regrettée Rosemary Brown était une femme extraordinaire dont les contributions ont résisté à l’épreuve du temps. Son héritage continue d’avoir des répercussions dans la vie de nombreuses personnes. Elle a été la première femme noire à être élue députée provinciale et la première femme à se porter candidate à la direction d’un parti politique fédéral, en plus d’autres réalisations.

Sur le plan personnel, Rosemary Brown est l’une des huit femmes brillantes qui ont fondé la Fondation canadienne des femmes, une organisation que j’ai dirigée pendant sept ans. L’héritage qu’elle a légué, y compris nos racines jamaïcaines communes, continue de rayonner et d’inspirer mon propre leadership, en particulier la vigueur avec laquelle elle défendait les valeurs d’égalité et de justice sociale. C’est ce qui l’a mené à déclarer « Tant que nous n’aurons pas toutes réussi, aucune de nous n’aura réussi. » Ses propos ont alimenté le type de justice intersectionnelle qui ne laisse personne sur le carreau, cet esprit ubuntu selon lequel tous les humains sont inextricablement liés.

Nous cherchons aujourd’hui à reconnaître les luttes qui ont été menées dans le passé et les progrès réalisés afin de pouvoir bâtir ensemble un avenir où tout le monde réussira et veiller à ce que ce rêve soit atteignable, et non seulement « une illusion éphémère ».

Merci, meegwetch.

Des voix : Bravo!

Les Championnats du monde de curling junior

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je suis ravi de prendre la parole aujourd’hui pour vous présenter le chapitre 9 de l’épopée de curling de l’équipe Plett. Dans ce chapitre, Betty et moi nous sommes réveillés avec enthousiasme à 1 heure et 2 heures du matin pendant toute une semaine pour regarder les Championnats du monde de curling junior télédiffusés en direct de Lojha, en Finlande.

Après s’être qualifiée aux Championnats du monde junior B en décembre, l’équipe Plett, composée de Myla Plett, Alyssa Nedohin, Chloe Fediuk, Allie Iskiw, Kaylee Raniseth, et des entraîneurs Blair Lenton, David Nedohin et Lori Olson de Curling Canada, est arrivée en Finlande la semaine dernière, enthousiaste mais réaliste. Les jeunes curleuses étaient ravies d’avoir l’honneur de représenter le Canada en tant que l’une des dix meilleures équipes féminines juniors au monde. Mais elles étaient réalistes parce qu’elles savaient que les joueuses des autres équipes étaient plus âgées et plus expérimentées, et qu’elles devraient se battre avec acharnement pour décrocher chaque victoire, et c’est ce qu’elles ont fait.

Cinq jours et huit matchs plus tard, l’équipe Plett s’est retrouvée à égalité pour la troisième place au classement du tournoi et s’était assurée une place pour les séries éliminatoires. Mais il lui restait encore un match à la ronde à disputer, contre la Suisse.

L’équipe suisse était une force avec laquelle il fallait composer. Les Suisses étaient classées au 12e rang mondial en curling féminin senior, tandis que l’équipe Plett était classée au 120e. Les joueuses suisses étaient plus âgées et plus expérimentées et étaient invaincues depuis le début des championnats. Mais l’équipe Plett leur a donné du fil à retordre.

Au début du huitième bout, l’équipe Plett menait 6 à 4, et il y avait de la tension dans l’air. L’équipe suisse détenait toutefois le marteau et a réussi à arracher la victoire in extremis.

Puis, dans sa première partie de la ronde éliminatoire, malheureusement, l’équipe Plett s’est de nouveau retrouvée face à l’équipe de la Suisse. Encore une fois, la partie s’est décidée après 10 bouts, et la Suisse a remporté une courte victoire de 5 à 4.

L’objectif de l’équipe Plett pour ce championnat était de terminer parmi les six premières. Ainsi, l’an prochain, le Canada pourrait passer directement au championnat junior A sans d’abord avoir à disputer la finale B, comme ce fut le cas cette année.

L’équipe Plett a atteint et même dépassé cet objectif : elle figure dorénavant parmi les quatre meilleures équipes féminines junior de curling du monde.

Comme l’ont déclaré les membres de l’équipe : « Cette expérience a allumé une flamme en nous. Nous voulons certainement une autre chance de gagner! »

Chers collègues, je félicite l’équipe Plett et ses entraîneurs pour son excellente performance et son bel esprit sportif. Vous avez fait la fierté du Canada, encore une fois.

Je tiens aussi à remercier Curling Canada et World Curling pour tout ce qu’ils font pour ce grand sport qu’est le curling et pour encourager la prochaine génération de curleurs.

Enfin, chers collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter l’équipe de Suisse, qui a remporté la médaille d’or, ainsi que toutes les autres équipes qui ont pris part aux Championnats du monde de curling junior de 2024.

Tout est à refaire à compter de la semaine prochaine à l’occasion des championnats provinciaux. Merci.

Des voix : Bravo!

Les petits immigrants britanniques

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour mettre en lumière une partie peu connue de l’histoire du Canada. Entre 1869 et 1948, le programme d’émigration des enfants britanniques a envoyé plus de 100 000 enfants au Canada, y compris dans ma région d’origine, le comté de Simcoe. Ces garçons et filles, âgés pour la plupart de 7 à 14 ans, mais certains n’avaient que 2 ans, ont effectué seuls la pénible traversée de l’océan. Certains étaient orphelins, mais beaucoup ont été envoyés par des parents au cœur brisé qui ne pouvaient plus subvenir à leurs besoins.

(1410)

Lorsque les enfants sont arrivés, ils ont été placés dans des communautés rurales comme domestiques et ouvriers agricoles. On leur promettait un salaire, un logement et une éducation. Si certains ont eu la chance d’être placés dans des familles aimantes, ce n’était pas la norme. Malheureusement, un grand nombre de ces enfants ont été victimes de maltraitance et de négligence. Malgré les intentions de certaines organisations d’origine et d’accueil, la sécurité et le bien-être des enfants n’étaient pas une priorité. On estime que non moins des deux tiers des enfants placés ont été maltraités.

Ils ont contribué au développement de notre secteur agricole et, dans la plupart des cas, sont devenus des citoyens qui ont aidé à construire ce grand pays, en particulier dans nos communautés rurales. Beatrice Grimm en est un exemple. Elle est arrivée en Ontario en tant qu’enfant Barnardo, ce qui signifie qu’elle était pupille de l’État et qu’elle était prise en charge par les foyers dirigés par le Dr Barnardo.

Elle a été prise en charge lorsque sa mère est décédée en donnant naissance à son petit frère. Elle a été séparée de ses deux sœurs et envoyée au Canada un an plus tard. Nous sommes en 1914. Elle avait 13 ans et il est indiqué dans les dossiers du foyer où elle a été placée qu’elle avait la taille d’un enfant de 8 ans, probablement en raison de la malnutrition. Son père a été envoyé au combat pendant la Première Guerre mondiale.

Ces épreuves et son parcours ont été passés sous silence. Plus de 50 années se sont écoulées avant qu’elle revoie son petit frère. Pendant ce temps, elle a fondé une famille, exploité une ferme avec son mari et élevé trois enfants qui sont des citoyens canadiens accomplis.

Beatrice Grimm était ma grand-mère paternelle.

Chers collègues, il y a, au Canada, 4 millions de descendants de petits immigrants britanniques, ce qui représente 10 % de notre population. Pourtant, cet important chapitre de notre histoire n’est pas très connu. Certes, il est difficile de connaître l’ampleur de leur impact, mais il est important de reconnaître ce qu’ils ont accompli, en dépit des difficultés qu’ils ont éprouvées. Plus de 25 000 petits immigrants ont servi pendant la Première Guerre mondiale et la Deuxième Guerre mondiale. L’un d’entre eux a conçu le premier prototype de notre drapeau. D’autres ont scié le bois d’œuvre utilisé pour reconstruire les édifices du Parlement. La plupart d’entre eux ont tout simplement tenu bon et mené une vie satisfaisante. Chers collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour rendre hommage à ces Canadiens extraordinaires.

Des voix : Bravo!

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Alicia Baxter King. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice Coyle.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Mois de l’histoire des Noirs

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je prends la parole pour faire une déclaration dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs. Je suis heureuse de pouvoir le faire depuis un territoire algonquin anishinabe non cédé et non restitué.

Cette année, le thème national du Mois de l’histoire des Noirs est « L’excellence des personnes noires : un patrimoine à célébrer; un avenir à construire » et celui du Mois du patrimoine africain de la Nouvelle-Écosse est « Nos sourires, notre joie, notre résilience en tant qu’Afro-Néo-Écossais ».

Le patrimoine, l’avenir, la résilience et la joie sont des thèmes indissociables parce que l’histoire et l’avenir des Noirs au Canada reposent sur un esprit collectif de survie et de résilience. Une résilience qui, malgré tous les obstacles structurels et systémiques auxquels nous avons été confrontés, permet aux Canadiens noirs de continuer à mener une vie d’excellence, à trouver la joie et à laisser leur marque dans l’histoire du Canada. Notre tradition d’excellence est présente dans toutes les sphères de la société, y compris les arts, la musique, l’éducation, la politique et le sport. Alors que nous nous tournons vers l’avenir, je suis remplie de joie et d’impatience. Je suis enthousiaste lorsque je pense aux possibilités qui s’offrent aux Canadiens noirs et au travail important qu’il est possible d’accomplir ici même pour lutter contre le racisme systémique et institutionnel.

Le mois de l’histoire des Noirs est un moment de joie et une célébration du triomphe de l’esprit humain. À ce sujet, je tiens à féliciter la collectivité de North Preston à l’occasion de son 240e anniversaire. North Preston est la plus grande communauté noire historique au Canada et l’une des 48 communautés noires toujours existantes en Nouvelle-Écosse. North Preston est voisine de ma communauté d’East Preston. Bâtie sur des terrains dont personne ne voulait, elle n’a pas bénéficié des meilleures chances de réussite, mais cela ne l’a pas empêché de survivre et de prospérer. Cette survie est en soi une source de joie et un motif de réjouissance.

Je tiens à remercier tous mes collègues pour leurs déclarations qui évoquent l’histoire des Canadiens noirs. Nous pouvons continuer à travailler ensemble pour bâtir un avenir qui soit un motif de réjouissance et une source de fierté. Au bout du compte, l’histoire des Noirs fait partie de l’histoire du Canada. C’est « un patrimoine à célébrer; un avenir à construire ».

Asante, je vous remercie.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Alicia et Alonzo Léger. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Hartling.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Michel Goguen

L’honorable Nancy J. Hartling : Honorables sénateurs, en ce début d’année, nous sommes nombreux à chercher des sources d’espoir et de courage en ces temps difficiles. Je prends la parole aujourd’hui pour vous faire part d’une histoire porteuse d’espoir et vous parler d’une personne de ma région qui est déterminée à être un agent de changement. Il s’agit de mon bon ami Michel Goguen, un musicien et un auteur-compositeur de Dieppe, au Nouveau‑Brunswick.

Très créatif, Michel est résolu à défendre les droits environnementaux et les droits des animaux. Son parcours a commencé après avoir travaillé dans un refuge pour animaux, ce qui a tout changé pour lui. Cette expérience l’a poussé à chercher avec détermination une tribune pour défendre les animaux et l’environnement.

Dans cet esprit, il a lancé le projet de collecte de fonds appelé Musique pour les animaux dans les écoles du Canada. Les écoles participantes peuvent ainsi faire un don à l’organisme à but non lucratif de leur choix dans le domaine de la défense des animaux ou de l’environnement.

Pendant sa jeunesse, Michel a lu l’histoire de Jane Goodall, la primatologue et anthropologue légendaire, qui est devenue sa plus grande inspiration. Ses leçons et ses enseignements ont eu un impact majeur sur sa vie. Mme Goodall a développé un intérêt pour ces questions quand elle n’avait que 10 ans, alors que sa mère l’encourageait à devenir exploratrice. La même passion l’anime toujours à 90 ans.

C’est avec une grande joie que Michel a rencontré Mme Goodall il y a quelques années. Dans le cadre de ses activités de bénévolat à l’Institut Jane Goodall du Canada, il a récemment lancé un album autoproduit intitulé Open Strum et il verse 100 % des ventes à l’organisme.

Avec la contribution de nombreux artistes canadiens, l’album comprend 36 chansons interprétées en six langues : anglais, français, espagnol, arabe, portugais et mi’kmaq. Même Mme Goodall a enregistré certaines des paroles de la chanson « Be the Change ».

« Toutes mes relations » est une expression importante que les Autochtones d’Amérique du Nord utilisent pour exprimer leur vision du monde et l’interdépendance de tous les éléments de la création, qu’il s’agisse des personnes, des animaux, des insectes, des plantes ou des objets non vivants. Cette philosophie se reflète dans le projet Open Strum.

Je voudrais remercier mon ancien collègue, le sénateur Sinclair, ainsi que notre collègue, le sénateur Klyne, pour tous leurs efforts en faveur du bien-être des animaux. Voilà des exemples de la mise en pratique de l’expression « toutes mes relations ».

Michel est lui aussi déterminé à apporter un changement positif et à promouvoir la qualité de vie de tous les habitants de notre planète. Je remercie les personnes comme lui et la Mme Goodall de leur engagement envers la nature. Mes invités d’aujourd’hui, Alicia et Alonzo Léger, de Moncton, se soucient également de l’environnement dans ma communauté. Je remercie sincèrement tous ceux qui continuent de travailler à la protection des animaux, de l’humanité et du climat. La musique de Michel, qui est très inspirante et engagée, me donne de l’espoir.

[Français]

Il est vraiment important de protéger notre environnement et tout ce qui se passe sur notre planète. Merci.


AFFAIRES COURANTES

Règlement, procédure et droits du Parlement

Dépôt du sixième rapport du comité

L’honorable Diane Bellemare : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le sixième rapport (provisoire) du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement intitulé Résumé des témoignages : Structure et mandats des comités. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1420)

Projet de loi sur le cadre national sur la maladie falciforme

Dépôt d’une pétition

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer une pétition des résidents de l’Ontario, du Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador qui appuient le projet de loi S-280, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

Les dépenses du gouvernement

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, sous le gouvernement Trudeau, des Canadiens peinent encore à se nourrir. Dans les derniers jours seulement, nous avons appris ce qui suit. Selon Second Harvest, les organismes de bienfaisance alimentaires s’attendent à ce qu’un million de Canadiens doivent recourir à une banque alimentaire en 2024, ce qui représente une augmentation de 18 %. Plus du tiers des organismes de bienfaisance alimentaires à but non lucratif ont déclaré avoir dû refuser leurs services à des gens l’an dernier, n’ayant tout simplement pas assez de nourriture pour répondre à la demande. Par ailleurs, selon GoFundMe, plus de 214 000 Canadiens ont lancé des campagnes l’an dernier afin de recueillir des fonds pour couvrir leurs dépenses quotidiennes, parmi lesquelles 56 000 collectes de fonds pour les aider à payer la nourriture.

Monsieur le leader, votre gouvernement envisage-t-il d’abolir ses taxes et ses dépenses inflationnistes afin que les Canadiens aient les moyens de se nourrir?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, sénateur. Bon nombre de Canadiens et de familles peinent encore à composer avec le coût de la vie, et le coût des aliments demeure une source de préoccupation constante et particulièrement importante pour chacun d’entre nous.

Il est vrai que l’inflation a baissé sous la barre des 3 % et que notre économie se porte bien, mais c’est une mince consolation pour les Canadiens qui doivent faire un choix douloureux entre acheter des aliments ou se procurer d’autres produits de première nécessité.

Le gouvernement continue de soutenir les Canadiens en prenant des mesures concrètes, pragmatiques, équilibrées et responsables, y compris des politiques financières — et nous devrons attendre les résultats des mesures budgétaires à venir —, mais aussi d’autres mesures offertes pour aider et soutenir les Canadiens.

Le sénateur Plett : Il y a un an, j’ai évoqué devant vous une nouvelle selon laquelle des habitants de Vancouver fouillaient dans les poubelles parce qu’ils n’avaient pas les moyens d’acheter de la nourriture à l’épicerie. Lundi, nous avons appris qu’un groupe de Torontois fouillant les poubelles à la recherche de nourriture comptait 8 000 membres. Cette situation s’inscrit dans le contexte de nombreux scandales, notamment ceux d’ArnaqueCAN, de la caisse noire environnementale et de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures.

Pourquoi le gouvernement Trudeau gaspille-t-il tant d’argent des contribuables alors que les Canadiens sont réduits à fouiller dans les poubelles pour se nourrir?

Le sénateur Gold : Je vous remercie encore une fois de la question. Je ne peux que répéter que les mesures prises par le gouvernement pour aider les Canadiens, que ce soit pour le logement ou le coût de la nourriture, ont aidé nos concitoyens et continuent de les aider à traverser des périodes difficiles.

Le coût du programme d’assurance-médicaments

L’honorable Elizabeth Marshall : Ma question s’adresse au sénateur Gold. La semaine dernière, le gouvernement libéral et le NDP ont annoncé conjointement le nouveau programme d’assurance-médicaments, mais sont restés avares de détails. Pouvez-vous nous dire quand le nouveau programme sera mis en œuvre? Par ailleurs, s’agira-t-il d’un programme autonome ou sera‑t-il intégré à d’autres programmes de soins de santé?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Je crois comprendre que le Parlement sera bientôt saisi du projet de loi qui portera sur la mise en œuvre de la première phase du programme d’assurance‑médicaments. D’ici là, les détails du programme ne seront pas rendus publics, et je ne suis pas en mesure d’en parler.

Ce programme constitue une première étape pour aider les familles, partout au Canada, à obtenir des médicaments à prix abordable, si elles ne bénéficient pas des mêmes avantages que nous et d’autres Canadiens plus favorisés à ce chapitre.

La sénatrice Marshall : Ma question complémentaire porte sur les finances, bien entendu. Les projections financières du gouvernement n’ont pas été fiables dans le passé, et elles sont constamment révisées. Le coût croissant du service de la dette publique en est un bon exemple. Chaque fois que nous disposons d’une nouvelle projection financière, les coûts sont revus à la hausse.

Je m’attends à ce que ce programme coûte cher. Êtes-vous en mesure de nous indiquer le coût du programme? Plus important encore, j’aimerais savoir si le coût de ce nouveau programme d’assurance-médicaments est inclus dans les projections financières qui ont été fournies dans la mise à jour économique de novembre et décembre.

Le sénateur Gold : Merci pour votre question. Je ne connais pas la réponse à la dernière question, car les discussions finales et les détails du programme n’ont été négociés qu’au cours des dernières semaines, comme vous le savez. Nous y verrons plus clair une fois que nous aurons pris connaissance du programme lui-même et de l’ampleur des investissements envisagés.

La santé

La réglementation sur le cannabis

L’honorable Rosemary Moodie : Ma question s’adresse au sénateur Gold. L’examen législatif de la Loi sur le cannabis va bon train. Le Rapport sur ce que nous avons entendu a été publié en octobre dernier. Le rapport indique que, de l’avis général, les principaux objectifs du cadre sur le cannabis devraient rester la protection de la santé et de la sécurité publiques, mais, que :

En revanche, les représentants de l’industrie ont suggéré que les éléments de l’approche de précaution entravent leur capacité à concurrencer le marché illicite [...]

Il est évident que l’industrie du cannabis s’emploiera à limiter au minimum l’approche de précaution du cadre sur le cannabis en faveur de la croissance de l’industrie.

Pouvez-vous confirmer que le gouvernement ne libéralisera pas les règles entourant la vente, la production et la mise en marché du cannabis, afin d’assurer la santé et la sécurité publiques?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Tous ceux qui ont pris part au débat sur la légalisation du cannabis savent que la santé publique était au cœur des délibérations. En effet, comme l’a souligné avec éloquence le parrain tout au long du débat, l’initiative visant à légaliser l’usage individuel du cannabis a été principalement présentée — à juste titre — comme une question de santé. Je pense que cette Chambre peut être assurée que le souci de la sécurité et de la santé publiques restera au cœur de toutes les délibérations sur la législation relative au cannabis qui pourraient avoir lieu à l’avenir. Je n’ai pas connaissance de telles initiatives ou de tels changements.

La sénatrice Moodie : Merci. J’ai une question complémentaire, sénateur Gold. Le groupe d’experts a indiqué qu’il avait rencontré très peu de jeunes et qu’il avait prévu d’autres activités pour la fin de 2023. Pouvez-vous confirmer que ce groupe d’experts a rencontré plus de jeunes et nous dire à quoi ont ressemblé ces consultations?

Le sénateur Gold : Merci pour votre question. Je fais confiance aux processus, mais je n’en connais pas les détails. Je poserai la question au ministre lorsque j’en aurai la chance.

Le patrimoine canadien

Le soutien apporté aux médias

L’honorable Tony Loffreda : Sénateur Gold, compte tenu de l’importance du rôle joué par les journaux locaux, régionaux et ethniques dans nos collectivités, le gouvernement ne croit-il pas qu’il serait judicieux de dépenser davantage pour la publicité dans les médias imprimés? Le mois dernier, le gouvernement a publié son rapport annuel sur les activités de publicité du gouvernement du Canada 2022-2023, qui indique que le gouvernement a consacré plus de 86 millions de dollars à la publicité. Des 67 millions de dollars dépensés par l’Agence de coordination, moins de 1 million de dollars sont allés aux médias imprimés.

(1430)

Comme vous le savez, le milieu de la presse écrite est en crise au Canada, et nous devons trouver des solutions immédiates pour en assurer la survie. Je suis sûr que nous conviendrons tous qu’une presse écrite forte, indépendante et impartiale est essentielle à toute démocratie.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Oui, j’espère que tout le monde convient de votre dernier point; c’est certainement le cas du gouvernement du Canada.

Chers collègues, je ne peux pas parler des dépenses supplémentaires que le gouvernement pourrait engager à sa discrétion, voire dans le cadre budgétaire que nous verrons dans les semaines et les mois à venir, mais le gouvernement continuera à appuyer le journalisme local et le journalisme de qualité de différentes manières, comme il l’a fait non seulement avec la Loi sur les nouvelles en ligne, par exemple, mais aussi avec une série de programmes, dont le Fonds du Canada pour les périodiques et le crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne, qui a été récemment augmenté.

[Français]

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre réponse.

Je comprends pourquoi le gouvernement donne la priorité aux médias numériques par opposition aux médias traditionnels, mais ne croyez-vous pas qu’une politique gouvernementale d’achat publicitaire est une bonne idée?

Seriez-vous ouvert à offrir aux entreprises un crédit d’impôt additionnel pour les dépenses qu’elles effectuent auprès des médias locaux?

La semaine dernière, la Confédération des syndicats nationaux nous a rappelé que les médias d’information québécois ont perdu 75 % de leurs revenus publicitaires au cours des 10 dernières années.

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour la question. Je n’ai pas connaissance d’un projet visant à créer un crédit d’impôt. Toutefois, après plus d’une décennie de baisse de la disponibilité des informations pour les Canadiens et après la fermeture de plus de 500 salles de rédaction, ce gouvernement a pris des mesures concrètes pour assurer la viabilité de notre écosystème médiatique, et il va continuer d’en faire davantage.

[Traduction]

Les relations Couronne-Autochtones

Le Cadre pour le développement d’une économie verte dans les Prairies

L’honorable Scott Tannas : Ma question s’adresse au sénateur Gold. En décembre 2022, le Parlement a adopté le projet de loi C-235 parrainé par le regretté Jim Carr, qui exigeait que le gouvernement élabore un cadre pour le développement d’une économie verte dans les Prairies en consultation avec les provinces des Prairies. Comme le disait Jim Carr, grand optimiste des Prairies, le projet de loi exige de la collaboration, de la coopération et l’établissement de bonnes relations.

Le gouvernement a déposé dernièrement le cadre proposé, qui est décevant parce que très peu détaillé. Il est à peine fait mention des consultations menées auprès des gouvernements de l’Alberta, de la Saskatchewan ou du Manitoba pour son élaboration.

Sénateur Gold, pourriez-vous nous préciser quelles consultations officielles le gouvernement fédéral a menées auprès des gouvernements provinciaux pour l’élaboration du cadre, s’il y en a effectivement eu?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Cette initiative lancée par le regretté Jim Carr était importante. Elle signale, selon moi, que les provinces de l’Ouest sont résolues à continuer de faire leur part, comme elles le font déjà, pour faciliter la transition du Canada vers un nouvel environnement plus propre et plus viable.

Pour ce qui est des conversations et des consultations qui ont eu lieu, je devrai obtenir des renseignements auprès du ministre concerné pour être en mesure de répondre à votre question.

Le sénateur Tannas : Je vous remercie de cet engagement et j’ai hâte d’en apprendre davantage. Le projet de loi exige qu’un rapport sur la mise en œuvre du Cadre pour le développement d’une économie verte dans les Prairies soit déposé au cours des deux prochaines années. Compte tenu du cadre très sommaire que nous avons en ce moment, je crains que le gouvernement ne réponde pas aux attentes élevées en matière de fédéralisme coopératif renouvelé que le projet de loi prévoyait à l’origine. Le gouvernement va-t-il s’engager à fournir davantage de détails et à faire preuve de plus de transparence lorsqu’il présentera au Parlement son rapport sur son engagement envers les provinces des Prairies?

Le sénateur Gold : Merci. Je pense que nous attendons tous avec impatience le rapport dont vous avez parlé. J’espère que le gouvernement fédéral et ses homologues provinciaux travaillent activement et dans un esprit de collaboration afin de fournir un cadre solide à l’intérieur duquel le travail que de nombreuses entreprises réalisent déjà, avec l’appui de nombreux gouvernements provinciaux, pourra non seulement se poursuivre, mais faire florès.

L’environnement et le changement climatique

L’impact des changements climatiques

L’honorable Judy A. White : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Elle porte sur l’impact grandissant des changements climatiques sur les infrastructures, impact que subissent de manière disproportionnée les communautés autochtones.

Plus tôt ce mois-ci, les dirigeants des Premières Nations dans les régions éloignées du Nord du Manitoba et de l’Ontario ont déclaré un état d’urgence en raison des conditions des routes d’hiver. Les températures hivernales plus douces que la moyenne ont un effet dévastateur sur ce réseau routier essentiel, laissant de nombreuses collectivités privées de livraisons de biens de première nécessité comme la nourriture, le carburant et les marchandises. L’ouverture tardive des ponts de glace a aussi été un problème pour d’autres collectivités.

Sénateur Gold, que fait le gouvernement fédéral pour répondre à ces graves menaces qui touchent les collectivités autochtones?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Le changement climatique menace notre survie à tous. Les effets se font sentir très sévèrement dans les collectivités autochtones, surtout en ce qui concerne leur capacité de résilience et d’adaptation. Depuis 2020, le gouvernement a annoncé plus de 2 milliards de dollars afin de financer des mesures de lutte contre le changement climatique pour les peuples autochtones d’un océan à l’autre. Ce financement ciblé s’inscrit dans le cadre du plan climatique du Canada qui est intitulé « Un environnement sain et une économie saine. »

En outre, des crédits budgétaires supplémentaires ont été prévus dans les budgets de 2021, de 2022 et de 2023. Il y a , entre autres, des investissements de 290 millions de dollars sur 12 ans pour appuyer l’écologisation et la résilience des infrastructures, 163,4 millions de dollars sur trois ans pour améliorer la sécurité alimentaire dans le Nord — y compris chez les communautés inuites — et 22,7 millions de dollars supplémentaires sur cinq ans pour appuyer les Premières Nations et les Inuits dans leur processus d’adaptation au changement climatique.

La sénatrice White : Merci, sénateur Gold. On estime qu’une route de glace en cours de dégel a retardé l’arrivée des camions d’incendie et a ainsi contribué à la destruction de la seule école de la Première Nation d’Eabametoong dans le Nord de l’Ontario, qui a été dévastée par un incendie le mois dernier. Je suis heureux que la ministre des Services aux Autochtones se soit engagée à financer l’école de remplacement temporaire, certes, mais je me demande quels sont les plans pour régler les problèmes d’infrastructure sous-jacents.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Encore une fois, votre question et ma réponse soulignent également l’importance de l’infrastructure et de la résilience. Il y a des processus — des processus conjoints entre le gouvernement et les communautés autochtones — permettant d’aborder une gamme complète de questions liées aux changements climatiques, ainsi que des questions plus vastes, et c’est un sujet qui, j’en suis convaincu, fait l’objet de discussions entre les dirigeants autochtones et le gouvernement du Canada.

Les affaires mondiales

Le soutien à l’Ukraine

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, depuis 2018, les conservateurs pleins de gros bon sens demandent à votre gouvernement d’en faire davantage pour appuyer l’Ukraine, alors qu’elle continue à défendre son territoire contre l’invasion illégale de la Russie. Justin Trudeau a tenté de diviser les Canadiens et de détourner leur attention en prononçant de beaux discours sur l’Ukraine, mais n’a pas livré l’équipement militaire dont ce pays a besoin.

L’Ukraine a demandé au gouvernement du Canada de lui fournir 83 000 roquettes CRV7 excédentaires actuellement stockées par les Forces armées canadiennes. Au lieu de faire payer aux Canadiens des millions de dollars pour mettre ces armes hors service, pourquoi votre gouvernement ne les donne-t-il pas à l’Ukraine? Même la secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale a appuyé la motion que les conservateurs ont présentée en ce sens au comité.

Qu’attend votre gouvernement? Pourquoi n’envoyons-nous pas à l’Ukraine cet équipement militaire dont elle a grandement besoin pour que les Ukrainiens puissent lutter contre l’invasion russe?

Des voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement fournit à l’Ukraine un appui solide et indéfectible dans sa défense contre l’invasion illégale de la Russie. Il s’est engagé à verser plus de 2,4 milliards de dollars d’aide militaire, allant des chars d’assaut aux véhicules blindés, en passant par les munitions. En outre, il a annoncé un soutien militaire supplémentaire de 3 milliards de dollars à l’Ukraine.

Lorsqu’il est question de respecter ses engagements, le gouvernement reste en communication étroite avec le gouvernement ukrainien et ses alliés afin de continuer d’aider l’Ukraine à répondre à ses besoins en cette période de guerre.

(1440)

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, récemment, dans les grands titres en Ukraine, on pouvait lire que Justin Trudeau est un « grand parleur ». C’est vrai. Il est temps de passer de la parole aux actes. Ce sont 31 000 Ukrainiens qui ont perdu la vie dans cette invasion, alors il est temps d’agir. Le gouvernement ukrainien a même offert de venir chercher l’équipement promis ici afin d’assurer son acheminement jusqu’au front.

Votre gouvernement semble être passé maître dans l’art de laisser des milliers de véhicules volés quitter le pays via les ports. Pourquoi n’arrivez-vous pas à envoyer de façon efficace et efficiente l’aide militaire promise à l’Ukraine le plus rapidement possible?

Le sénateur Gold : Le Canada achemine de l’aide tangible, concrète et réelle à l’Ukraine et il continuera de le faire afin d’aider les Ukrainiens à se défendre contre l’agression russe. Le Canada fera tout ce qui est en son pouvoir, tant pour l’aide militaire que pour d’autres mesures visant à soutenir le peuple ukrainien cet hiver, pendant qu’il est aux prises avec cette guerre qui dévaste son territoire.

La justice

Les récidivistes

L’honorable Salma Ataullahjan : Sénateur Gold, lundi, le chef adjoint du Service de police de Toronto a déclaré ce qui suit à un comité parlementaire:

Qu’il s’agisse de détournements de voitures, d’introductions par effraction ou de violations de domicile, les criminels deviennent de plus en plus téméraires dans leurs méthodes de vol de véhicules et provoquent chez les résidants de Toronto beaucoup de peur et d’anxiété.

Le chef adjoint Robert Johnson a déclaré que, depuis le début de l’année — comme nous arrivons à la fin février, cela veut dire depuis deux mois —, on a enregistré 17 violations de domicile et plus de 32 détournements de voiture à Toronto. Ce bilan est le double de celui de l’an dernier à même date.

Monsieur le leader, le chef adjoint de la police a également déclaré que la moitié des personnes appréhendées sont des récidivistes. Le gouvernement va-t-il faire preuve de bon sens et veiller à ce que les voleurs de voitures violents et récidivistes restent en prison?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Le gouvernement du Canada fait sa part en ce qui concerne les vols de voitures. J’ai exposé les mesures qu’il a prises, en collaboration avec la GRC, la sécurité frontalière et, bien sûr, les provinces — qui ont la responsabilité du maintien de l’ordre sur leur territoire — et les municipalités, comme Toronto, qui possèdent un service de police municipal.

La sphère de compétence en matière de violation de domicile dépasse en réalité la responsabilité fédérale et relève de l’administration de la justice, qui est également de compétence provinciale.

En ce qui concerne ce que j’estime implicite dans votre question, madame la sénatrice, à savoir si on pourrait envisager des modifications au Code criminel, je réponds qu’il n’est pas question de telles modifications pour ajouter des peines obligatoires ou similaires, ni — puis-je préciser — pour que les politiciens interviennent dans les décisions judiciaires concernant la détermination de la peine ou la libération conditionnelle, d’ailleurs.

La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Gold, le problème n’est pas limité à Toronto. Le chef de police adjoint de la police régionale de Peel a dit au comité que, au cours des deux dernières années, il y a eu 185 cas de détournement de voiture à Peel. Il a également parlé de l’affaire d’un étudiant étranger qui a été tué lors d’un violent détournement de voiture à Peel.

Pourquoi le gouvernement Trudeau laisse-t-il tomber les vaillants et honnêtes Ontariens en ne faisant rien pour que les récidivistes se retrouvent derrière les barreaux plutôt que dans la rue?

Le sénateur Gold : Sénatrice, il est tragique que des gens aient perdu la vie et il est horrible que des gens se fassent voler. Cependant, il y a au Canada un système judiciaire et une Constitution qui prévoient une évaluation judiciaire pour les mises en liberté sous caution et accordent aux juges le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour l’application du droit pénal. C’est ainsi que les choses doivent se faire dans une démocratie comme le Canada.

L’innovation, les sciences et le développement économique

La politique industrielle pour la carboneutralité

L’honorable Mary Coyle : Sénateur Gold, le Centre de politique industrielle pour la carboneutralité a récemment publié un rapport qui sert de mise en garde. Le Canada a prospéré sous l’ancien ordre géopolitique fondé sur le pétrole, mais il risque de perdre sa place dans le nouveau monde énergétique. Ce rapport indique que le Canada a besoin d’une impulsion stratégique s’il veut être une puissance mondiale dans la transition énergétique. Une étude récente du Fonds monétaire international prévoit que la balance commerciale du Canada pourrait baisser de l’équivalent de 2 à 3 % du PIB alors que le monde fait la transition vers les énergies à faibles émissions de carbone.

Sénateur Gold, le Canada a-t-il l’intention de se doter d’une politique industrielle ambitieuse pour la carboneutralité, comme le centre le propose, afin de tirer le maximum de nos ressources naturelles et pour cibler nos avantages comparatifs en offrant du soutien financier judicieux?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour votre question. Le Canada doit impérativement continuer d’innover pour atteindre ses objectifs à long terme qui consistent à renforcer les mesures de lutte contre le changement climatique et appuyer les secteurs émergents qui développent l’économie de manière plus propre et plus durable. Pour ce faire, le gouvernement du Canada a lancé un fonds d’accélération de la carboneutralité de 8 milliards de dollars afin d’aider les grands émetteurs à réduire leurs émissions.

Par exemple, Algoma Steel va recevoir jusqu’à 420 millions de dollars de ce fonds pour rénover ses installations et cesser progressivement d’utiliser du charbon pour fabriquer de l’acier à son usine de Sault Ste. Marie, en Ontario. Cela créera 500 emplois et permettra de réduire les émissions de 3 millions de tonnes par année d’ici 2090.

La stratégie canadienne pour l’hydrogène, qui pourrait être le moteur de l’avenir énergétique à faibles émissions de carbone du Canada, est une autre initiative.

La sénatrice Coyle : Je voulais en savoir un peu plus sur les exportations. Sénateur Gold, pour que le Canada maintienne une position forte dans le nouvel ordre géopolitique — ainsi que le recommande le Centre de politique industrielle pour la carboneutralité —, que fera le Canada pour cultiver des capacités de production et d’innovation avancées — les cerveaux du traitement des matériaux pour les chaînes d’approvisionnement carboneutres — et pour harmoniser l’approvisionnement, la diplomatie, le commerce et les politiques publiques dans l’ensemble des ministères et des programmes?

Le sénateur Gold : Il y a tellement de choses à dire en 15 ou 30 secondes, quel que soit le temps qui m’est imparti. Je ne peux pas faire grand-chose, mais je peux vous inviter à consulter, entre autres, le Cadre pour le développement d’une économie verte dans les Prairies, qui comporte divers piliers. Chacun de ces piliers repose non seulement sur des changements technologiques, mais aussi sur l’octroi d’un soutien aux innovateurs d’aujourd’hui et de demain. Le gouvernement se servira de diverses mesures — soutien aux universités, aux chercheurs et aux étudiants étrangers — pour ce faire.

Les affaires mondiales

L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

L’honorable Rebecca Patterson : C’est avec intérêt que j’ai lu que le gouvernement s’engage à verser 3 milliards de dollars supplémentaires sur 10 ans à l’Ukraine, y compris des garanties de sécurité. Je sais aussi que le Canada s’est engagé à respecter son engagement de disponibilité opérationnelle élevée envers l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, ou l’OTAN, ce qui passe généralement par les Forces armées canadiennes. L’objectif est de renforcer la sécurité de l’OTAN au cas où les ambitions impérialistes de la Russie devaient prendre de l’ampleur.

Pour respecter ces engagements de disponibilité opérationnelle élevée envers l’OTAN et pour contrer les menaces, nous devons avoir des données sur les progrès de la défense dans ce domaine. Sans mise à jour de la politique de défense, nous n’en avons aucune idée.

Voici ma question : sommes-nous en mesure de respecter nos engagements de disponibilité opérationnelle élevée envers l’OTAN? Où en sommes-nous par rapport à l’atteinte de ces engagements dans les délais établis? Il faut comprendre que la Russie n’attendra pas.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de cette importante question.

Je ne suis pas en mesure de vous dire où nous en sommes dans ce dossier. Je sais que le gouvernement du Canada continue d’investir de plus en plus dans la défense. Le premier ministre a récemment annoncé qu’il faut en faire plus pour atteindre la cible de 2 % que l’OTAN a établie. Comme je l’ai déjà dit au Sénat, nous sommes au septième rang des contributeurs à l’OTAN parmi les 31 membres de l’alliance et nous continuons d’être un partenaire fiable et solide.

Il ne fait aucun doute que les ressources et les forces armées du Canada nécessitent des investissements constants. Nous savons tous que des améliorations doivent encore être apportées dans certains domaines, et le gouvernement fait ce qu’il peut, en respectant sa capacité financière, pour agir en ce sens afin d’assurer la sécurité du pays.

La sénatrice Patterson : Merci.

Je pense également qu’il n’y a aucune transparence à cet égard. Cette mise à jour de la politique de défense sera absolument essentielle pour nous aider à savoir quels sont les engagements en matière de défense que nous avons pris en fonction de nos capacités, car un rapport très intéressant vient de paraître il y a environ une heure. Le niveau de 2 % est un seuil, et non un plafond. Les 3 milliards de dollars sont très importants pour les Ukrainiens, mais cette somme ne contribuera pas en grande partie à l’atteinte de ce seuil de 2 %. Par conséquent, sénateur Gold, pouvez-vous nous donner une idée du moment où nous verrons cette mise à jour de la politique de défense? Comment le gouvernement va-t-il financer cela?

Merci.

(1450)

Le sénateur Gold : Je vous remercie. Je vais certainement porter votre question à l’attention du ministre, mais vous avez souligné un point important. Il n’y a pas que les dépenses prévues par le Canada pour défendre ses alliés et ses intérêts partout dans le monde. Les efforts de guerre en Ukraine visent aussi à défendre une démocratie libérale contre l’agression d’un régime autoritaire. Tout n’est pas compris dans la formule, mais cela ne veut pas dire que le Canada n’apporte pas sa contribution, sur tous les fronts, afin de protéger nos intérêts dans le monde.

La sécurité publique

Le contrôle des armes à feu

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement et concerne un incident terrifiant qui s’est produit la semaine dernière dans ma province, la Colombie-Britannique.

Jeudi dernier, tôt dans la matinée, dans la ville de White Rock, des tireurs ont utilisé ce qui semble être des mitrailleuses pour ouvrir le feu sur un véhicule devant une maison d’un quartier résidentiel. Quatre personnes ont été hospitalisées pour des blessures graves.

Les mitrailleuses sont interdites au Canada depuis les années 1970, mais cela n’a pas empêché cet incident de se produire. Le gouvernement Trudeau s’en prend aux propriétaires d’armes à feu qui ont réussi la formation appropriée et qui respectent la loi plutôt qu’aux trafiquants d’armes illégales. En quoi cela contribue-t-il à mettre fin à de tels crimes?

Une voix : En rien du tout.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le Sénat et le Parlement ont récemment adopté le projet de loi C-21. Nous avons tenu un débat approfondi à ce sujet, et cette Chambre a exprimé sa volonté de soutenir les initiatives du gouvernement visant à renforcer le contrôle des armes à feu au pays ainsi qu’à interdire les armes de poing et d’autres catégories d’armes. Chers collègues, il ne fait aucun doute — et personne au gouvernement ne le nie ou ne pourrait le nier — qu’il subsiste un problème avec les armes illégales et les gangs de même qu’aux frontières.

Ces dernières années, le gouvernement a déployé des ressources considérables pour renforcer les mesures de contrôle aux frontières. Plus d’un millier de nouveaux agents ont été embauchés à l’Agence des services frontaliers du Canada depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement actuel. Celui-ci continuera à faire tout ce qui est en son pouvoir à cet égard. Bien entendu, les forces de l’ordre locales continueront elles aussi à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger nos concitoyens.

La sénatrice Martin : J’ai voté contre le projet de loi C-21, qui punit les propriétaires d’armes à feu respectueux de la loi.

Monsieur le leader, des images de surveillance de cette fusillade ont été mises en ligne. Elles montrent que plus de 100 balles ont été tirées en quelques secondes par ce qui semble être des mitrailleuses. Personne n’a été arrêté et les habitants ont peur, à juste titre.

Au lieu de gaspiller de l’argent sur « ArnaqueCAN » à l’Agence des services frontaliers du Canada, pourquoi ne pas avoir utilisé cet argent à la frontière pour empêcher les gangs d’introduire clandestinement des armes illégales dans notre pays?

Une voix : Absolument.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question.

Tout d’abord, davantage de ressources ont été déployées à la frontière. Deuxièmement, en ce qui a trait aux fonds accordés à la police et à l’administration des forces de l’ordre — dans des villes comme White Rock, dans des provinces comme la vôtre et ailleurs au pays —, c’est une question qui relève de la compétence provinciale. Le gouvernement fait ce qu’il peut à la frontière. Il a fait son possible pour mettre fin au trafic illégal d’armes automatiques par l’entremise du projet de loi C-21. Enfin, il continuera à travailler en collaboration avec ses partenaires afin de veiller à la sécurité des Canadiens.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la motion no 157, la troisième lecture du projet de loi C-62, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

Projet de loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine de 2023

Motion tendant à inscrire le projet de loi à l’ordre du jour pour une troisième lecture le 29 février 2024, à condition que le rapport ait été présenté sans amendement ce jour-là—Débat

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 26 février 2024, propose :

Que, nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, si le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international fait rapport du projet de loi C-57, Loi portant mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine de 2023, sans amendement le jeudi 29 février 2024, le projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour pour une troisième lecture plus tard ce jour-là, à condition que, si le comité fait rapport du projet de loi sans amendement après le moment où le Sénat aurait normalement traité du projet de loi à l’étape de la troisième lecture, le projet de loi soit pris en considération à l’étape de la troisième lecture immédiatement, ou, si le rapport est présenté pendant qu’une autre affaire est à l’étude, il soit inscrit à l’ordre du jour pour une troisième lecture après la fin des délibérations du jour sur l’affaire à l’étude au moment de la présentation;

Que le rapport du comité sur le projet de loi puisse être présenté après la fin des affaires courantes ce jour-là sans que le consentement ne soit requis.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, l’honorable sénateur Gold, avec l’appui de l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, propose que, nonobstant l’article 5-5b) du Règlement — puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, l’honorable sénateur Gold, avec l’appui de l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, propose :

Que, nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, si le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international fait rapport du projet de loi C-57, Loi portant mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine de 2023, sans amendement le jeudi 29 février 2024, le projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour pour une troisième lecture plus tard ce jour-là, à condition que, si le comité fait rapport du projet de loi sans amendement après le moment où le Sénat aurait normalement traité du projet de loi à l’étape de la troisième lecture, le projet de loi soit pris en considération à l’étape de la troisième lecture immédiatement, ou, si le rapport est présenté pendant qu’une autre affaire est à l’étude, il soit inscrit à l’ordre du jour pour une troisième lecture après la fin des délibérations du jour sur l’affaire à l’étude au moment de la présentation;

Que le rapport du comité sur le projet de loi puisse être présenté après la fin des affaires courantes ce jour-là sans que le consentement ne soit requis.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je ne vois pas pourquoi l’amendement est nécessaire. Les choses avancent très bien ainsi. Je pensais que le projet de loi C-62 était le plus important au programme, mais voilà que leader du gouvernement décide de faire passer un autre projet de loi avant l’une des plus importantes mesures législatives dont nous avons été saisis cette année. Je ne sais pas trop pourquoi.

Néanmoins, honorables sénateurs, j’aimerais proposer une légère modification à la motion, afin de l’améliorer un peu.

Motion d’amendement—Ajournement du débat

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1.par suppression des mots « , nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, »;

2.par substitution, à tous les mots qui suivent les mots « le projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour », des mots « pour une troisième lecture à la prochaine séance du Sénat. ».

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, l’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénatrice Martin, propose en amendement :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1.par suppression des mots « , nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, »;

2.par substitution, à tous les mots qui suivent les mots « le projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour », des mots « pour une troisième lecture à la prochaine séance du Sénat. ».

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-62, Loi no 2 modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-62, qui vise à reporter à 2027 l’accès au suicide assisté pour les Canadiens atteints d’une maladie mentale.

À la Chambre des communes, ce projet de loi a été adopté de façon décisive par 272 voix contre 32. Pour ma part, bien que j’appuie la décision de retarder l’accès, je soutiens que le gouvernement Trudeau ne devrait pas seulement reporter la possibilité pour les personnes atteintes de maladie mentale d’avoir accès au suicide assisté, mais qu’il devrait y renoncer complètement. Guidé par son idéologie, le gouvernement Trudeau semble allergique à l’idée d’admettre qu’il a commis une grave erreur lorsqu’il a accepté, en 2021, l’idée que l’aide médicale à mourir pourrait être accessible en cas de maladie mentale. Les Canadiens ne souhaitent pas cet élargissement du régime d’aide médicale à mourir. Le système de santé n’est pas prêt à cela.

Le gouvernement Trudeau le reconnaît et a donc repoussé ce changement jusqu’en 2027, soit après les prochaines élections, dans l’espoir d’éviter que cela devienne un enjeu électoral. Le ministre de la Santé libéral, Mark Holland, a confirmé que malgré le report prévu par le projet de loi C-62, il s’agit de déterminer quand aura lieu l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes d’une maladie mentale, et non si cet élargissement aura lieu. Soulignons qu’au final, ce sont les Canadiens vulnérables atteints de maladies mentales qui paieront le prix — le prix ultime — de l’idéologie pro-élargissement des libéraux.

Les personnes dont le seul problème de santé et une maladie mentale ne devraient pas être admissibles au suicide assisté, et ce, pour deux raisons importantes. Premièrement, il est très difficile, voire impossible, de déterminer le caractère irrémédiable de la maladie mentale. Deuxièmement, il est difficile pour les cliniciens d’établir si la demande d’aide médicale à mourir d’une personne souffrant de maladie mentale est liée à des idées suicidaires, ce qui peut changer du jour au lendemain et qu’un traitement pourrait guérir.

(1500)

Durant mes huit années au sein du Comité sénatorial des affaires juridiques, lorsque nous étudiions cette question, nous avons entendu de nombreux témoins experts qui ont parlé de patients apparemment résistants au traitement qui, avec le bon traitement et les bonnes ressources, avaient réussi à se relever d’une maladie mentale et à prendre du mieux.

La maladie mentale n’est pas irrémédiable. Elle n’est pas mortelle. Comme l’ont écrit le sénateur Kutcher et les sénatrices Mégie et Wallin dans leur rapport dissident, l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie mentale n’est pas un soin de fin de vie. L’aide médicale à mourir en cas de troubles mentaux, c’est donner accès à des méthodes entièrement létales aux personnes souffrant de maladie mentale.

Pour l’avoir vécu en tant qu’aidante naturelle de mon défunt mari, Dave Batters, qui a dû composer avec une maladie mentale, je peux vous dire que dans ce pays, le système de soins de santé mentale est très lacunaire. Il y a des listes d’attente de plusieurs mois, parfois des années, simplement pour voir un psychiatre. Ce qu’il faut faire pour combler les lacunes du système de soins de santé mentale, c’est de corriger le système, et non pas d’entériner le sentiment de désespoir d’un patient atteint d’une maladie mentale et de lui offrir un moyen létal de se suicider. La solution n’est certainement pas de mettre fin à leurs jours pour eux.

Il est également difficile de prédire avec certitude si le désir de mourir d’un patient est le résultat d’idées suicidaires passagères, qui peuvent être un symptôme de maladie mentale, ou s’il s’agit d’un plan délibéré de mettre fin à ses jours. Les suicides ne sont pas tous une décision impulsive. Les personnes atteintes de maladie mentale peuvent aussi établir un plan détaillé pour se suicider, et nombre d’entre elles le font.

Souvent, la maladie mentale fait en sorte qu’une personne a une vision étroite ou un manque de perspective par rapport à la valeur de sa propre vie. Elle vient complexifier le contexte dans lequel une personne doit prendre une décision de vie ou de mort comme le suicide assisté. De plus, certains médicaments psychiatriques ont pour effet secondaire d’augmenter la fréquence des pensées suicidaires.

Le suicide, c’est planifier sa propre mort, et c’est ce que fait l’aide médicale à mourir. Toutefois, dans le cas de l’aide médicale à mourir, l’État joue un rôle. L’une des raisons pour lesquelles le Canada a interdit la peine capitale il y a plusieurs décennies, c’est qu’il a été décidé que la vie d’une personne est un prix trop élevé à payer si l’État commet une erreur.

Dans un article paru récemment, le sénateur Kutcher a clairement énoncé son désaccord avec l’argument selon lequel l’aide médicale à mourir et le suicide, c’est du pareil au même. L’article se lit comme suit :

Il ne faut pas comparer une personne qui décide de mettre fin à ses jours pour cause de maladie mentale à un kamikaze aux commandes d’un avion ou à un terroriste qui commet un attentat à la bombe. Ce n’est pas du tout la même chose, mais des gens ont délibérément cherché à noyer le poisson en ce qui concerne l’aide médicale à mourir parce que cet enjeu fait appel aux émotions. »

Je pense que dans le cas présent, l’appel aux émotions et l’obscurcissement, c’est assimiler les personnes suicidaires aux commandos suicides et aux kamikazes. Je suis étonnée qu’un psychiatre d’expérience dise une telle chose. Combien y a-t-il de kamikazes et de commandos suicides parmi les 4 500 Canadiens qui se suicident chaque année? Ce n’est certainement pas un argument fondé sur la moindre donnée probante, et c’est révélateur du genre de rhétorique extrême à laquelle le petit groupe de partisans de l’expansion a recours dans ce dossier.

Même des psychiatres experts ne peuvent pas nécessairement faire la différence entre des idées suicidaires et une demande en règle d’aide médicale à mourir. De plus, le programme d’aide médicale à mourir élaboré par l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’aide médicale à mourir n’enseigne pas aux évaluateurs comment faire la distinction entre des idées suicidaires et des demandes d’aide médicale à mourir pour maladie mentale. Elle leur garantit plutôt à tort qu’ils peuvent le faire. C’est très dangereux. Parmi les personnes qui tentent de se suicider au Canada, 23 % feront une autre tentative et 7 % parviendront à leurs fins. C’est donc dire qu’au moins 70 % des personnes qui tentent de se suicider ne font qu’une seule tentative. Toutefois, avec l’aide médicale à mourir, cette unique tentative a 100 % de chances d’être mortelle. Il n’y a pas de deuxième essai.

Il y a eu des histoires d’horreur dans les médias au sujet de Canadiens handicapés à qui on a offert l’aide médicale à mourir comme solution de rechange aux traitements ou aux ressources. On a aussi rapporté plusieurs cas de vétérans cherchant à obtenir du soutien à qui Anciens Combattants Canada aurait parlé de l’aide médicale à mourir. De telles situations iront probablement en augmentant si le gouvernement Trudeau élargit une fois de plus l’admissibilité au suicide assisté afin d’inclure les Canadiens souffrant de troubles mentaux.

On peut présumer que l’élargissement du régime d’aide médicale à mourir touchera les femmes de manière disproportionnée. Au cours des 21 premiers mois suivant l’élargissement du régime pour inclure les cas où les demandeurs n’étaient pas en fin de vie, 686 Canadiens handicapés ont obtenu l’aide médicale à mourir. En 2022, 60 % de ceux-ci étaient des femmes. Puisque les recherches en Europe montrent que l’euthanasie pour des raisons psychiatriques est donnée à des femmes dans 70 à 80 % des cas et étant donné que les tentatives de suicide sont entre deux et trois fois plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes, on peut s’attendre à ce que l’écart entre les hommes et les femmes s’élargisse encore plus lorsque l’aide médicale à mourir pour raisons psychiatriques sera inscrite dans la loi.

L’analyse comparative entre les sexes plus réalisée par le gouvernement relativement au projet de loi C-62 n’a été publié qu’après que j’ai posé une question là-dessus pendant la séance de comité plénier au Sénat. Cette analyse était radicalement différente de celle qui portait sur le projet de loi C-39, le projet de loi qui avait reporté l’élargissement de l’aide médicale à mourir pour les cas de maladie mentale la première fois. Celle de l’an dernier sur le projet de loi C-39 était dévastatrice et exacte. Elle soulignait que les femmes atteintes de troubles psychiatriques étaient plus susceptibles de demander l’aide médicale à mourir que les hommes dans les pays du Benelux. En voici un extrait :

On peut s’attendre à ce que, si l’[aide médicale à mourir] était mise à la disposition des personnes dont l’unique trouble est une maladie mentale au Canada, nous constations une augmentation du nombre de femmes qui demandent l’[aide médicale à mourir] pour des souffrances psychiatriques et à un âge plus jeune.

Mais l’analyse comparative entre les sexes plus concernant le report prévu dans le projet de loi C-62 a donné des résultats bien différents. Soudainement, il semble n’y avoir aucune preuve de quoi que ce soit : peu de données sur l’incidence de l’aide médicale à mourir sur les personnes souffrant de maladies mentales, pas de données sur la race, pas de données sur le revenu et pas de données sur l’incidence de l’un ou l’autre de ces éléments sur le recours à l’aide médicale à mourir. En Suisse, il manque des preuves, car il y a trop peu de cas pour tirer des conclusions quant à la raison pour laquelle la majorité des demandes d’aide médicale à mourir motivées par un problème psychiatrique sont faites par des femmes. De plus, même si les femmes représentent 60 % des cas visés par le projet de loi C-7, nous ne pouvons trouver aucune explication possible à ce phénomène. En toute honnêteté, c’est ridicule. Le ministère de la Justice aurait simplement dû signer un document vierge portant la mention « L’analyse comparative entre les sexes plus appliquée au projet de loi C-62 : un travail bâclé! ».

Le ministre Holland a tenté de brouiller les cartes concernant le processus entourant le recours à l’aide médicale à mourir en cas de trouble psychiatrique, en déclarant :

Il s’agit, pour notre société, de laisser les gens qui vivent avec une maladie comme le cancer, ou qui sont en fin de vie, la possibilité de faire eux-mêmes un choix.

Lorsqu’il est question de maladies incurables, c’est le débat qu’on doit faire aujourd’hui. Il faut s’assurer que le choix est vraiment limité aux cas où un malade a examiné toutes les options, et où il n’y a pas d’autres options pour améliorer sa santé, après avoir beaucoup souffert.

La description du ministre n’est pas exacte, car l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie mentale ne vise pas les personnes atteintes d’une maladie en phase terminale. Le projet de loi C-7, qui a été adopté par le Parlement, ne stipule pas que l’aide médicale à mourir doit être un dernier recours pour ces patients ni que ces derniers doivent avoir épuisé les autres options médicamenteuses ou thérapeutiques au fil des mois ou des années avant de présenter leur demande. Cela fait du Canada un cas particulier par rapport aux autres pays qui autorisent une forme quelconque de suicide assisté dans les cas de maladie psychiatrique.

Nous en sommes maintenant au point où, comme le Dr Sonu Gaind l’a déclaré devant le Comité mixte :

Cette augmentation n’est pas vraiment une pente glissante. C’est un train dont on a perdu le contrôle, comme celui qui a causé le désastre de Lac-Mégantic. Une multitude de signes montrent au gouvernement qu’il ne devrait pas aller de l’avant. S’il choisit de le faire, il ne pourra pas dire qu’il n’aura pas été averti.

Le Canada n’est pas prêt à aller de l’avant avec l’élargissement du suicide assisté pour les personnes atteintes d’une maladie mentale — certainement pas maintenant, et peut-être jamais. Cependant, les provinces et les territoires — sous des gouvernements non seulement conservateurs, mais aussi libéraux et néo-démocrates — ont dit au gouvernement fédéral qu’ils ne sont pas prêts à élargir l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes d’une maladie mentale.

Les Canadiens ont indiqué qu’ils rejetaient l’élargissement du régime d’aide médicale à mourir aux cas où seuls des motifs psychiatriques sont invoqués. Selon un sondage Angus Reid réalisé l’année dernière, seuls 31 % des Canadiens appuient cet élargissement. À l’automne dernier, un autre sondage national a révélé que 82 % des Canadiens estiment que l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale ne devrait pas être envisagé avant que l’accès aux soins de santé mentale soit amélioré. Même les psychiatres praticiens chargés de faciliter l’accès à l’aide médicale à mourir pour leurs patients atteints de maladie mentale n’ont pas adhéré à cet élargissement. Le comité mixte a constaté qu’à peine 2 % des psychiatres canadiens sont inscrits au Programme canadien de formation sur l’aide médicale à mourir. Dans une lettre récente, la Société canadienne de psychiatrie indique ceci :

[T]ous les sondages menés auprès des psychiatres depuis l’ajout de la disposition de caducité ont systématiquement révélé que les psychiatres au Canada n’appuient pas l’élargissement de l’aide médicale à mourir dans les cas où la maladie mentale est le seul problème de santé invoqué [...] Ces sondages révèlent constamment que les psychiatres, selon un rapport de deux ou trois contre un, n’appuient pas l’élargissement de l’aide médicale à mourir dans les cas où la maladie mentale est le seul problème de santé invoqué, même si la plupart ne sont pas des objecteurs de conscience et ne s’opposent pas à l’aide médicale à mourir en général. En outre, un taux encore plus élevé de psychiatres (dans une proportion de quatre contre un) invoquent le manque de préparation à l’élargissement de l’aide médicale à mourir prévu en mars 2024 pour les cas de maladie mentale.

Il ne fait aucun doute que certains de ces psychiatres ne veulent pas que cet élargissement ait lieu en raison du devoir de diligence qu’ils ont envers leurs patients. Je suis sûre que la plupart d’entre eux n’ont jamais eu l’intention d’être impliqués dans le processus visant à mettre fin à la vie de leurs patients dans une discipline fondée sur la confiance entre le médecin et le patient, ainsi que sur la prévention du suicide et la préservation de la vie.

Le sénateur Kutcher a souligné que le consensus n’est pas nécessaire pour de nombreux traitements médicaux, physiques ou autres. Or, le suicide assisté n’est pas un traitement : il cause la mort. En l’absence de preuves concluantes sur l’irrémédiabilité de la maladie mentale et l’idéation suicidaire qui en découle, il est nécessaire d’exiger le consensus du milieu médical.

Donner aux personnes atteintes d’une maladie mentale accès au suicide assisté, ce n’est pas cela, l’égalité. Il est vraiment discriminatoire d’offrir une mort prématurée aux personnes atteintes de maladie mentale, qui sont désespérées, au lieu de leur offrir un traitement et du soutien. Les maladies mentales ne devraient pas être une condamnation à mort.

(1510)

Au cours des huit dernières années, de nombreuses personnes atteintes de maladie mentale ont communiqué avec moi. Elles veulent de l’espoir, de l’aide et du soutien, et non une voie plus facile vers la mort.

Certains partisans de l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale prétendent que les tribunaux canadiens l’ont exigé. En tant qu’avocate, je vous dis que ce n’est pas vrai. L’élargissement de l’accès au suicide assisté aux personnes atteintes de maladie mentale est une décision politique de la part du gouvernement militant Trudeau, ni plus ni moins. Elle n’est pas exigée par la Constitution. En réalité, le ministre de la Justice, M. Virani, et son prédécesseur, M. David Lametti, m’ont avoué à contrecœur que les tribunaux canadiens n’avaient pas rendu obligatoire l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale.

Vingt-huit professeurs de droit ont signé une lettre adressée au gouvernement Trudeau qui préconise le raisonnement suivant : l’arrêt Carter de 2015 de la Cour suprême ne concerne pas les patients atteints de maladie mentale. En fait, ils affirment que les personnes atteintes de maladie mentale sont explicitement exclues de l’arrêt :

[...] « les paramètres proposés dans les présents motifs » ne s’appliqueraient pas à « l’euthanasie pour les mineurs ou pour les personnes affectées de troubles psychiatriques ou de problèmes de santé mineurs ».

La juge du tribunal inférieur, au Québec, dans l’affaire Truchon ne s’est pas non plus prononcée sur la constitutionnalité de l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant de maladies mentales, puisque la demande des plaignants dans cette affaire n’était pas fondée sur une maladie mentale. Les commentaires formulés par la juge dans cette décision au sujet des maladies psychiatriques sortaient du cadre de l’affaire et ne peuvent donc pas servir de précédent.

Les 28 professeurs de droit ont résumé leur lettre comme suit :

Faute de précédent exécutoire, il est prématuré de faire valoir que la Charte ouvre l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes qui invoquent une maladie mentale comme seul problème médical. Il nous apparaît par ailleurs imprudent de laisser entendre que la Cour suprême ne peut que reconnaître un droit constitutionnel à l’aide médicale à mourir, vu l’absence d’analyse en bonne et due forme de données [...]

L’ancien ministre de la Justice, M. Lametti, a milité pour l’élargissement considérable de l’aide médicale à mourir. Il a choisi de ne pas interjeter appel de la décision rendue par la juge du tribunal inférieur dans l’affaire Truchon parce que, pour tout dire, il avait obtenu une réponse qui lui plaisait. Il est très inhabituel que le gouvernement fédéral n’interjette pas appel lorsqu’un tribunal rend une telle décision.

Le gouvernement Trudeau a trop élargi l’aide à mourir et il l’a fait trop rapidement. L’an dernier, mon collègue le député conservateur Ed Fast a présenté le projet de loi d’initiative parlementaire C-314 pour exclure la maladie mentale des modalités de recours au régime d’aide médicale à mourir. Malheureusement, la grande majorité des députés libéraux ont voté contre. Ils ont rejeté le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, alors il n’a même pas été étudié par un comité.

Seul un gouvernement conservateur dirigé par le premier ministre Pierre Poilievre abrogera cet élargissement du suicide assisté pour les personnes atteintes de maladie mentale. Nous nous sommes engagés à le faire lorsque nous formerons le gouvernement. Pour le bien du pays, j’espère que c’est pour bientôt. Cela dit, je peux vous assurer une chose : ce n’est qu’une question de temps.

Honorables sénateurs, c’est clair comme de l’eau de roche : soit vous appuyez les gens qui vivent avec une maladie mentale, soit vous ne les appuyez pas. Le suicide assisté ne devrait jamais être accordé aux Canadiens qui souffrent uniquement de maladie mentale. Il faut arrêter le train pendant qu’il en est encore temps. Les Canadiens ne sont pas prêts, les professionnels de la santé ne sont pas prêts, les provinces et territoires ne sont pas prêts. Faites comme moi et votez pour le projet de loi C-62 afin de protéger les Canadiens vulnérables qui vivent avec une maladie mentale.

Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, j’aimerais prendre quelques minutes pour faire entendre la voix de quelques Canadiens qui nous ont écrit pour exprimer divers points de vue au sujet du projet de loi C-62.

Commençons par Jane, de l’Ontario, qui nous a adressé une lettre personnelle et lourde de sous-entendus :

Je suis une femme de 75 ans et je souffre depuis des décennies d’un « trouble de stress post-traumatique complexe », que la psychiatrie a commencé à diagnostiquer récemment et qui résulte généralement de traumatismes subis dans l’enfance, jamais compris ou résolus, suivis d’une série de traumatismes tout au long de la vie qui se superposent et s’imbriquent les uns dans les autres par des déclencheurs (une répulsion psychologique et physique négative instantanée).

[...] mon état est irrémédiable et ma demande d’aide médicale à mourir, justifiée par 50 ans de dossiers psychiatriques totalisant plus de 1 500 pages et par l’absence de traitement du traumatisme jusqu’en 2020, serait acceptée par des évaluateurs psychiatriques de l’aide médicale à mourir formés à cet effet. Chaque minute d’éveil, je suis en proie à des flashbacks, à des cauchemars, à des déclencheurs et à des sanglots. Les médicaments atténuent pendant une demi-heure l’avalanche des horreurs passées [...]

Depuis 2020, je reçois un excellent traitement pour mes traumatismes [...] J’ai découvert des traumatismes enfouis les uns sous les autres [...]

Les membres du comité parlementaire ont entendu des experts dire que le Canada est prêt pour cette modification de la loi, et ont également entendu une poignée de personnes qui, comme moi, vivent avec des douleurs et des souffrances mentales intolérables et résistantes aux traitements. Aujourd’hui, le gouvernement propose au Parlement un nouveau report de trois ans. Combien de parlementaires ont parlé à une personne au vécu comparable au mien avant de prendre cette décision? Je n’en connais aucun.

Je ne veux pas planifier un suicide. Je veux simplement mettre fin dignement à ma vie tragique, qui n’a jamais été et ne sera jamais constructive, productive ou heureuse. Je veux avoir la possibilité de mourir en paix avec mes proches à mes côtés. Accordez-moi cette ultime liberté.

Je vais ensuite lire une lettre de plusieurs habitants de ma division sénatoriale qui soutiennent que la maladie mentale est tout aussi réelle qu’une maladie physique.

Cher monsieur Cardozo,

J’habite dans votre division sénatoriale et je vous écris aujourd’hui parce que je crois que les gens devraient avoir le droit de faire leurs propres choix de fin de vie et parce que je veux vous demander de voter contre le projet de loi C-62 […]

La souffrance causée par un trouble mental n’est pas moins « réelle » que la souffrance causée par une maladie physique, une blessure ou un handicap. Dans de nombreux cas, les symptômes d’un trouble mental sont indifférenciables de ceux qui sont causés par un trouble de santé non psychiatrique. Il est injuste et inconstitutionnel de continuer de priver les personnes ayant des troubles mentaux de la protection que la loi accorde à d’autres. Partout au Canada, les gens qui souffrent de troubles mentaux résistant aux traitements devraient avoir le même droit à l’autonomie et la même liberté de choix que les personnes atteintes de problèmes de santé physique graves et irrémédiables. Ils n’ont pas besoin qu’on leur dise ce qui est le mieux pour eux. Ils désirent avoir le droit de faire leurs propres choix.

Que des gens soient privés des droits garantis par les lois et la Constitution est un problème grave qui dure depuis trop longtemps. Je suis favorable à l’aide médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème de santé invoqué est une maladie mentale, et je m’oppose à l’adoption du projet de loi C-62.

Ensuite, je lirai brièvement une lettre de Matthieu :

Je souffre d’une grave maladie mentale due à une dépression persistante. Je ne peux pas travailler à cause de cela. Le suicide est quelque chose de terrible à vivre, tant pour la victime que pour toutes les personnes touchées. Y compris le personnel d’urgence. Je lutte personnellement contre la dépression depuis de nombreuses années et j’ai des amis qui vivent la même situation; l’un d’entre eux, qui était mon meilleur ami, s’est suicidé il y a quelques années sans aucun signe précurseur.

Un élément important à prendre en compte est la manière dont se déroulent les suicides hors du cadre médical [...]

Je plaide pour la mort dans la dignité. Je pense que personne ne devrait avoir à mourir seul et à mettre fin à ses jours dans la douleur et l’imprévisibilité en dehors d’un contexte médical.

Ensuite, j’aimerais vous lire un extrait d’une lettre de Val, qui est pour le projet de loi C-62 :

Je suis très heureuse et soulagée que le comité mixte chargé d’étudier l’aide médicale à mourir ait voulu écouter les Canadiens et ait conclu que nous ne pouvions pas, en toute conscience, élargir l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes d’une maladie mentale.

Je crois savoir qu’il existe maintenant un projet de loi portant le numéro C-62, qui vise à retarder l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale.

Je vous prie respectueusement d’adopter une mesure en réponse au projet de loi C-62.

Il s’agit d’une question très personnelle pour moi.

Je vous prie de faire tout votre possible pour retarder ou éliminer complètement l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie mentale.

Enfin, j’aimerais lire rapidement une lettre que nous avons tous reçue et qui a été signée par 127 médecins et infirmiers. Voici ce qu’on peut y lire :

Nous sommes un groupe de médecins et d’infirmiers praticiens. Nous vous écrivons pour vous faire part de nos préoccupations au sujet du projet de loi C-62, qui maintiendra l’inadmissibilité à l’aide médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale.

Lorsque le projet de loi C-7 est entré en vigueur, les troubles mentaux ont été exclus pour deux ans afin de donner aux gouvernements ainsi qu’aux évaluateurs et aux prestataires de l’aide médicale à mourir le temps de mettre en place les processus nécessaires pour évaluer les demandes d’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème de santé invoqué. Cette exclusion devait prendre fin en mars 2023, mais elle a été prolongée d’une année et assortie d’un ensemble de paramètres pour mesurer l’état de préparation. Tous les paramètres ont été respectés, comme l’a démontré le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir de la Chambre des communes et du Sénat. Le comité lui-même n’a pas contesté ce fait.

(1520)

En terminant, chers collègues, je tiens à dire que, selon moi, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, ni de bonne ou mauvaise position, mais je respecte aussi entièrement ceux qui croient qu’il y a une bonne ou une mauvaise position dans ce débat.

Chers collègues, je vous remercie de m’avoir écouté. Je remercie tout particulièrement et sincèrement tous les Canadiens qui nous ont écrit. C’est l’une des questions les plus difficiles que nous ayons eu à régler en tant que Canadiens et en tant que législateurs. Merci.

L’honorable Peter Harder : Chers collègues, je prends la parole au nom de notre collègue, Frances Lankin, qui ne peut pas être présente, et qui m’a demandé de dire quelques mots en son nom. J’ajouterai ensuite quelques observations concernant mon point de vue et mon expérience.

Tout d’abord, la sénatrice Lankin remercie les sénateurs d’avoir inclus quelques-unes de ses réflexions dans le compte rendu de la troisième lecture du projet de loi C-62. Permettez-moi de lire ses mots :

Je ne peux pas être présente au Sénat, mais j’ai suivi les débats tout au long de la semaine. Je remercie tous mes collègues pour cette discussion très importante et réfléchie.

La plupart des questions que j’aurais aimé aborder si j’avais été présente ont été examinées sous de nombreux angles par d’autres personnes. Inutile de les répéter. Je tiens moi aussi à exprimer mon appui à ce projet de loi de mon point de vue personnel et professionnel en tant qu’ancienne ministre provinciale de la Santé et à titre de sénatrice au Sénat, qui est l’une des chambres de notre Parlement bicaméral.

Même si les différents experts — dont les avis sont partagés dans le cas qui nous occupe — fournissent des conseils fondés sur des données probantes pour l’élaboration de politiques publiques, la décision finale de savoir quelle politique publique sera proposée, comment et quand elle sera mise en œuvre et quels autres paramètres doivent être pris en compte revient au bout du compte aux ministres, aux gouvernements, aux assemblées législatives et au Parlement.

La dernière étape, c’est et ce doit être un exercice de gouvernance démocratique, qui comprend l’obligation de respecter le fédéralisme de collaboration et les champs de compétence fédérales-provinciales-territoriales. Je souscris à l’évaluation fédérale-provinciale-territoriale selon laquelle repousser de trois ans l’entrée en vigueur de la disposition de l’aide médicale à mourir servirait mieux l’intérêt général des Canadiens et serait une façon responsable de légiférer. Grâce à mon expérience personnelle au gouvernement et en matière législative, je comprends les facteurs que les ministres doivent prendre en considération.

Le deuxième point de vue que je veux aborder est à titre de membre de cette institution. Il s’agit d’une réflexion articulée sur l’étendue de mon rôle de sénatrice. Quelle que soit notre préférence individuelle au sujet de ce projet de loi, nous devons toujours tenir compte du rôle du Sénat dans le système parlementaire canadien. Un projet de loi qui a été adopté par la Chambre démocratiquement élue et redevable, de surcroît dans un gouvernement minoritaire, doit être traité avec le respect et la déférence qui s’imposent. Pour de nombreuses raisons, j’appuie ce projet de loi et j’invite mes collègues à faire de même.

Voilà les paroles de la sénatrice Frances Lankin.

Chers collègues, en toute franchise, je participe au présent débat avec une certaine réticence, en raison de mon expérience personnelle récente, mais aussi, à certains égards, parce que de nombreux sénateurs ont manqué le débat d’il y a huit ans. Pour ceux d’entre nous qui étaient présents il y a huit ans, il s’agissait sans doute du plus important débat sur les politiques publiques auquel j’ai participé dans cette enceinte. Si vous prenez connaissance du compte-rendu des délibérations, je crois que vous constaterez que le Sénat a tenu, à mon avis, un débat éclairé. Nous avons appris les uns des autres et nous avons convenu d’apporter des amendements au projet de loi dont nous étions saisis, amendements que nous avons communiqués à l’autre endroit.

L’autre endroit a examiné les amendements que nous avions proposés et en a accepté certains, mais pas tous. Je tiens à faire la lecture des propos tenus par le représentant du gouvernement de l’époque lorsque le message est arrivé de l’autre Chambre :

Honorables sénateurs, je vais essayer d’être bref, parce [que] nous avons discuté en long et en large de cette question [au cours des deux dernières] semaines et demie. Nous comprenons tous la situation dans laquelle nous nous trouvons : la Chambre des communes nous a envoyé un message. J’estime devoir dire quelques mots à propos de ce message et de la motion que j’ai présentée.

Je pense que le Sénat a fait ce qu’il avait à faire. Les discussions que nous avons eues et les travaux du Sénat ont permis de faire participer une plus grande partie de la population au débat sur les questions que soulève le projet de loi C-14.

Nos amendements ont permis d’améliorer grandement le projet de loi, ils ont obligé l’autre Chambre à mener un autre exercice de réflexion et ils ont amené le public à en débattre.

C’est le rôle du Sénat : il doit provoquer le débat, poser des questions, formuler des recommandations pour améliorer les projets de loi et presser le gouvernement de tenir compte de ses réflexions.

Quant à la Chambre des communes et au gouvernement, ils ont pour rôle d’étudier nos recommandations et de réfléchir sérieusement aux points de vue exprimés par le Sénat. J’estime que c’est ce qu’ils ont fait. Ils ont agi de manière respectueuse en cherchant des compromis et en soumettant nos amendements aux députés.

C’est leur rôle. Ils sont les représentants du peuple, et le gouvernement sera tenu responsable de la mise en œuvre de ce projet de loi que le Sénat — je l’espère — jugera digne, plus tard aujourd’hui, de recevoir la sanction royale.

Je cite ce discours pour montrer que ce n’est pas un sujet dont nous sommes saisis seulement depuis quelques semaines. Il y a au moins huit ans que le Sénat et la Chambre des communes en discutent. La dernière fois, nous avons formulé des recommandations à l’intention des députés, et ceux-ci les ont acceptées. Maintenant, après mûre réflexion et après avoir mené des consultations que nous avions prévu qu’ils mèneraient, ils disent que le système n’est pas prêt.

Je pense qu’il est important pour notre institution de comprendre son rôle et la modération avec laquelle nous devons exercer notre jugement. Je voudrais citer non pas le leader du gouvernement précédent, mais notre ancien collègue Ian Shugart. C’était dans son premier et dans son dernier discours, mais cela mérite qu’on s’y arrête lorsqu’il parle de modération. Il s’agit du discours du 20 juin 2023 :

[...] nous avons les germes d’une crise constitutionnelle. Un ingrédient essentiel pour éviter ou résoudre une telle crise sera la pratique de la modération. Notre Constitution se fonde sur l’application littérale des lois et des conventions — des pratiques développées au fil des décennies et des siècles, dans lesquelles on réprime l’instinct d’exercer un pouvoir brut pour le bien commun. Sans modération, la convention selon laquelle le devoir du Sénat est d’examiner, d’amender et d’adopter des mesures législatives, tout en faisant preuve de déférence envers la Chambre reflétant le plus directement la volonté du peuple, est incomplète.

En d’autres termes, chers collègues, je pense que le projet de loi qui nous est soumis et son adoption, que je soutiens, constitueraient un exercice approprié du rôle du Sénat, qui est délibératif et respectueux, mais qui est en fin de compte un rôle de modération. Je vous encourage à adopter ce projet de loi.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-13(2) du Règlement, je propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(À 15 h 28, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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